Compte rendu: Candollea 53, 1998 top ↑
En bryogéographie la région des îles entre le continent africain et le
sous-continent indien, à savoir Madagascar, les Mascareignes, les
Comores et les Seychelles, est considérée comme une région riche en
endémiques, tandis que l'Afrique et l'Inde tropicale en serait plutôt
pauvre. L' Index Muscorum (Wijk & al. 1959-1969, 5 vol., Utrecht) la
désigne comme "Afr.3", "Afr. 4" correspondant à l'Afrique australe et
"Afr. 2" à l'Afrique tropicale. Riclef Grolle s'est donné la tâche
d'élaborer un aperçu de de la flore hépaticologique avec une mise à
jour de la nomenclature et de la taxonomie. Peu avant la publication
des résultats de cet immense ouvrage, il a été approché par le groupe
de travail "Bryologie tropicale" de la British Bryological Society
pour collaborer à l'édition du catalogue des hépatiques de l'Afrique
au sud du Sahara, dans le cadre de leur programme pour une flore
bryologique africaine. Ces deux ouvrages élaborés sur le même modèle
sont analysés ici dans l'ordre de leur parution.
La majorité des espèces d'hépatiques connues des îles d'Afrique
Orientale, énumérées dans le vol. 48 ont été décrites avant la
première guerre mondiale. Toute la littérature accessible a été
dépouillée pour trouver toutes les hépatiques mentionnées pour la
dition. Pour plusieurs indications douteuses l'auteur a cherché les
échantillons correspondants et certains se sont révélées étre des
déterminations erronées. Des révisions modernes n'existent que pour
quelques genres. Il fallait donc encore étudier un grand nombre de
types. Or, le catalogue retient 379 espèces, appartenant à 82 genres
de Jungermanniales, 28 (8) de Metzgeriales,21 (9) de Marchantiales et
4 (4) d'Anthocerotes. Le nombre de synonymes pour lesquelles les
sources sont toujours indiqués, n'a pas pu être compté. Les sources
d'information sont citées pour chaque île. En cas de difficulté
d'interprétation, des commentaires exhaustifs facilitent la
compréhension. Les indications d'illustrations publiées constituent de
précieuses informations. La partie substantielle de cette publication
se trouve dans les 138 pages du catalogue, enrichie de quelques 500
références bibliographiques. Un nouveau genre est décrit: Metalejeunea
Grolle, qui se distingue de Microlejeunea par les innovations
pycnolejeunéoides. Sept nouvelles combinaisons sont faites, ainsi que
39 nouvelles synonymies et 14 nouvelles lectotypifications. La partie
générale se restreint au strict nécessaire avec une brève
introduction, la présentation de l'arrangement taxonomique des genres
et six notes sur les genres Lophocolea/Chiloscyphus, Plagiochila,
Lejeunea/Rectolejeunea, Metalejeunea et
Archi-Lejeunea/Archilejeunea. En ce qui concerne ce dernier, la
description de Archi-Lejeunea erronea est à considérer comme
descriptio generico-specifica, son échantillon type fragmentaire et
appauvri constituant le type du genre! Il ne représente pas
Leucelejeunea rotudifolia comme suggéré par Grolle, mais L. clypeata
(Cryptogamie, Bryol. Lichénol. 18: 180, 1997). En tous les cas, la
conservation du nom Archilejeunea avec un autre type doit être
proposée.
Le volume 50 de la Bryophytorum Bibliotheca se présente de façon
comparable. Une introduction succincte, quelques petites
explications pour le lecteur et la liste de trois nouvelles synonymies
et de trois noms pour lesquels les auteurs n'ont pas voulu faire une
combinaison nouvelle se réservant de mieux étudier la taxonomie des
genres respectifs. Ce catalogue énumère quelques 2228 noms
d'hopatiques et d'anthocerotes. Les auteurs ont accepté 745 taxa dans
127 genres. Ce livre couvre une région beaucoup plus étendue que celle
des Iles est-africaines et bien plus diversifiée en milieux. Le nombre
élevé d'espèces reflète cette richesse. L'ordre des Sphaerocarpales,
typiques des régions continentales chaudes, manque sur les îles de
l'océan indien. La présence de familles des régions froides, telles
que Antheliaceae, Gymnomitriaceae ou Scapaniaceae se limite sur les
hauts sommets du continent. Le sol africain abrite 110 espèces de
Marchantiales, caractéristiques des milieux secs et désertiques,
contre seulement 21 sur les îles.
La parution si rapprochée de ces deux catalogues de qualité similaire
a permis de comparer le cortège floristique des trois régions
séparées. Il semble qu'il y a beaucoup moins d'endémismes en Afrique
australe pour les bryophytes que pour les plantes à fleur. Ce
phénomène peut étre attribué soit aux éléments Gondwaniens apparentés
aux espèces de Patagonie ou de Nouvelle-Zélande, soit au fait que
certains groupes n'ont pas fait l'objet d'une révision
récente. Quelques sondages m'ont montré qu'une grande partie des
espèces se trouve dans les trois régions. Quatre espèces de Marchantia
sont connus d'Afrique et des îles, alors que [?] M. globosa est une
endémique de Réunion et M. pappeana présente dans les régions
tempérées à tropicales de l'hémisphère sud a été récoltée en Afrique
du Sud. Les genres épiphylles paraissent très diversifiés.25 espèces
de Cololejeunea sont communes au continent et aux îles africaines, 32
sont restreintes au continent, 34 aux Iles, tandis que pour le genre
voisin Aphanolejeunea seules deux espèces sont répertoriées des
Comores et de Madagascar, alors que 7 autres espèces se trouvent sur
le continent. Les échantillons type des espèces de Cololejeunea
récemment décrites étant d'accès difficile, il n'a pas été possible
aux auteurs d'obtenir une vue d'ensemble cohérente.
La présentation typographique de ces deux livres est très agréable, le
nombre de fautes de frappe minimal ('RÈU' au lieu de 'RÉU' ou 'REU'
tout court comme abréviation pour "Réunion"; "Wiggelsworth" comme nom
d'auteur sur la p. 218 du vol.50 au lieu de "Wigglesworth",
correctement indiqué pour les références). Les références
bibliographiques à la fin donnent les titres des périodiques en
entier, alors que les abréviations pour les références des citations
de protologues suivent plutôt B-P-H et TL-2 dans le vol. 48, la World
List of Scientific Periodicals dans le vol. 50. Une standardisation
aurait pu être envisagée. On cherche en vain un résumé et une carte
plus détaillée dans le vol. 48. Dans les deux volumes, le lecteur
aurait peut-être encore apprécié des indications sur la répartition
globale des espèces retenues. Mais ces quelques remarques n'enlèvent
rien à la qualité et la très grande valeur de ces deux ouvrages. Il
est désormais possible de savoir pour quels groupes des révisions sont
à entreprendre en priorité et quelles sont les lacunes
bryofloristiques de ces régions.
Patricia Geissler
Compte rendu: Candollea 53, 1998